Résumé :
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«Je tiens Jacques Chardonne pour le plus grand prosateur de notre temps, mais plus on admire et plus on se sent malhabile à en justifier le pourquoi. Lorsque j'aurai, après tant d'autres, parlé de l'exquise pureté de son style, de sa mystérieuse transparence, de son étrange simplicité, de son classicisme tout frais, de l'éclat assourdi de ses formules, de sa rareté négligente, de sa candeur un peu retorse, de l'inapparence de ses transitions, de cette autonomie qu'il laisse à chaque phrase, de cette harmonie interne qui se révèle jusque dans la grâce visuelle de la page, quand j'aurai dit qu'il n'a pas son pareil pour charger une incidente d'un invisible explosif, et qu'il possède le secret de faire basculer tout le sens d'un paragraphe avec un adverbe nonchalamment placé, quand j'aurai avoué qu'auprès de lui, pour peu qu'on se mêle d'écrire, on se sent lourd, appuyé, emprunté, grossier, quand j'aurai rappelé les extraordinaires ressources d'une stylistique dont lui-même est peut-être à peine conscient, - aurai-je donné la moindre idée de son art souverain ? Jacques Chardonne n'a jamais écrit deux fois le même livre.
Le Ciel dans la fenêtre ce n'est pas Matinales ; pourtant c'est la même lumière, ce sont des contrées, une société, des sentiments, une femme, des choses que nous connaissons, indéfiniment reprises depuis L'Épithalame ; le dernier mot ne sera dit sur aucune, dans ce ressassement inventif et comme musical de la vie en mouvement, sauf, peut-être, cette idée plus affermie aujourd'hui : "vivre dignement dans l'incertain".» Jean Rostand.
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