Résumé :
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Au XVIe siècle, lorsque la dynastie vietnamienne des Lê subit la crise qui, d'émeutes en révolutions de palais, la conduisit à sa perte, un mandarin confucéen, nommé Nguyên Du, désespéré par l'état des mœurs et de la politique, prit très tôt sa retraite sous prétexte de piété filiale et d'aller soigner sa mère. Il en profita pour écrire, en s'inspirant de modèles chinois savamment assimilés, ce fameux Truyên Ky Man Luc ou Vaste recueil de légendes merveilleuses dont nous publions, dans une traduction originale dû à Nguyên-Tran-Huan, le texte français intégral. La fiction fantastique était alors le seul moyen de représenter les mœurs et de critiquer la politique, la religion. Dans un monde irréel où chaque phrase côtoie pourtant le tragique, des renards-démons se changent en lettrés pour donner des leçons de conduite aux rois et aux ministres, les préceptes de la morale confucéenne sortent directement de la bouche rieuse de fleurs métamorphosées en belles femmes. Tandis que le menu peuple prenait plaisir à ces contes, et s'y consolait des militaires factieux, des mandarins prévaricateurs, les lettrés, eux, savouraient le suc et la moelle, la satire politique, la morale confucéenne. Dans toute sa fraîcheur, son mordant, sa fantaisie, voilà donc la seule œuvre du XVIe siècle vietnamien où l'on trouve un tableau précis de la société d'alors : à mesure que s'effrite le prestige du prince, le bouddhisme, quelque temps maintenu dans l'obéissance politique et la discipline religieuse, ne met plus de frein à ses dérèglements, cependant que toute une bourgeoisie inculte s'agite à son seul profit. On a beaucoup parlé chez nous, à une certaine époque, de réalisme magique. Voilà, ou je me trompe fort, de la magie fort réaliste. Traduit du vietnamien, présenté et annoté par Nguyên-Tran-Huan.
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